RDC/Page Noire : Le poète Célestin Ntambuka Mwene C’Shunjwa vient d’avaler sa carte d’identité !

La République Démocratique du Congo vient de perdre l’un des grands poètes de son histoire, il s’agit Célestin Ntambuka Mwene C’Shunjwa, écrivain, créateur, poète, conteur faisant la fierté du pays. La nouvelle de sa disparition est tombée ce matin du 15 Mars 2021 en ville de Bukavu sous les larmes de plus d’un amoureux de la plume consciente.

Qui est le poète Ntambuka ?

Une très grave maladie : dans sa famille, il a été le premier à « attraper la culotte ». Les choses se passent à Mwimbi, dans un village perdu du continent-pays Congo, au Sud-Kivu. « Un jour, je ne sais quelle bêtise j’ai commise et mon père a décidé, excédé, de m’envoyer à l’école des Blancs », raconte Célestin Ntambuka. Au passage, on ne sait pas exactement quand il est né, « probablement vers 1942 », soupire-t-il.

Donc, voilà le jeune Célestin sur le chemin de l’école, en cache-sexe ! Une révolution, ce morceau de tissu qui … en cache. Plus tard, « parfois, les culottes tombaient en courant vers nos cours, et on s’en foutait! », précise avec gourmandise le vieux monsieur, visage noir, dent jaunes, yeux un peu rouges, un peu tristes, et soudain rieurs.

Célestin, 1957. Fini les caches-sexe : le petit monsieur entre au secondaire au Petit Séminaire de Mugeri, puis au Collège Notre Dame de la Victoire (actuel Collège Alfajiri de Bukavu) où il termine son cycle en 1963. Son père le voit déjà prêtre, un honneur pour la famille… Célestin, lui, souhaite justement entrer dans l’ordre des Montfortains, une congrégation mariale,

« car j’avais l’impression d’avoir été, dès le départ, féministe », analyse l’écrivain. L’évêque lui refuse cette voie de missionnaire, et une année après, Célestin se retrouve au Grand Séminaire de Murhesa : quatre ans de philo et théologie au programme.

Une rencontre tardive


Les premières rencontres avec la littérature, c’est au secondaire, dans le théâtre. Pas mal, comme acteur. Personnalité : « Parfois impulsif, assez curieux, mais avec une constante : l’amour et l’universel », parle de lui Célestin.

Après Murhesa, c’est à l’université de Luvanium à Kinshasa que le séminariste, en provenance de l’austère province, découvre la capitale. Et ses réalités. Des étudiants qui se moquent des corbillards (alors qu’il vient d’une culture qui accorde tant de respect aux morts), les tricheries à l’amphithéâtre (alors qu’à Mwimbi, Célestin passait ses examens sans surveillants –

« après avoir marqué les questions au tableau, le professeur s’en allait et fermait la porte derrière lui, sans que personne ne songe un seul instant de voir ce qu’avait écrit à côté » vous fusille-t-il...); bref, tout un autre monde.

Et la littérature surgit : « Le premier poème que je compose est dédié à un confrère de Bukavu qui, à 2000 km des lieux, apprend un bon matin que sa fiancée est décédée »… Ses textes, Célestin les partage avec une mordue de poésie, Faïk Nzuji Clémentine, qui deviendra plus tard docteur d’État ès Lettres. Sauf qu’il ne pourra pas continuer ses études: « Je n’avais pas d’argent, et je me suis arrêté en deuxième année, en Philosophie et Lettres ».


Vue du patriarche Ntambaka

L’enseignement, puis la politique

Après cette brutale interruption de sa formation universitaire en 1970, Celestin s’enfonce encore plus dans l’écriture, et l’enseignement. Collège Saint-Augustin (dans l’ex Bas-Zaïre), Lycée de Mwanda, puis Collège Saint-Paul (Bukavu).

1976 : la vie religieuse prend définitivement fin avec la naissance officielle de son premier fils, suivi de quatre autres enfants. Plus tard, l’artiste sera même recruté par la Présidence de la République sous le « fraternel » regard du Maréchal Mubutu, pour assurer les relations publiques et la gestion de la bibliothèque d’un Institut de Recherche Scientifique. A-t-il résisté, face à ce qui est décrit comme un enrôlement ? « C’était à l’époque du parti unique, et refuser valait presque signer sa mort », explique l’écrivain. Puis, philosophe : « J’ai toujours préféré que la politique s’intéresse à moi plutôt que l’inverse, car il y a tellement d’hypocrisie ».

Célestin s’éveille, quand il aborde ce sujet, estimant qu’en général, « et c’est vraiment pathétique, nous avons des oppositions aux pouvoirs en place prêtes pour des crocs-en-jambe sans apporter de véritable alternative, surtout quand ils accèdent aux affaires! » Revient vers sa carrière dans le célèbre Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) sur lequel trônera Mobutu, pour en rappeler le mot d’ordre, soulignant par là l’urgence de la survie à l’époque : « Olinga, olinga te! » – Que tu le veuilles ou pas…

Célestin continuera à parler d’amour, et d’attrait pour l’universel. Il évoque même, dans ses compositions, « le Parti de Rassemblement des Hommes ». Les lecteurs s’interrogent sur cet artiste, tout de même, « qui peut concevoir un parti autre que le MPR! »

Pour un si grand chantre de l’amour, une question : « Et l’épouse, dans tout ça ? » Dans cette vie pudiquement caché derrière un regard rougeoyant, mi-sévère, mi-souriant, Célestin soupire: « Elle a disparu mystérieusement en 1996 » : 

– Disparu ?!

– Oui, partie, je ne sais plus où elle est!

Puis maugrée : « Nous devons aller aux delà de nos frontières! » L’homme, près de son baluchon posé à ses pieds, dans ses habits fatigués quoiqu’emprunts de tenue, cet artiste qui avoue entre deux regards pudiques « être sur la touche », parle-t-il de mort, du souffle de la création ? Ou d’amour, toujours ? Soudain, on a peur d’une question de plus.

En somme,le journal kivu5 joint sa voix à celle des poètes de la RDC et présente ses condoléances à la famille du poète Ntambuka et à toute la population du Sud-Kivu.

Par Loni Irenge Joël avec un œil sur la plateforme « Samandari»

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