Sud-Kivu : L’ICCN veut être intégré dans le conseil provincial de sécurité pour mieux protéger la biodiversité du PNKB
En République Démocratique du Congo, le comité de coordination technique du consortium Ushiriki demande au gouverneur du Sud-Kivu Jean-Jacques Purusi d’intégrer l’Institut congolais pour la conservation de la nature, ICCN/Sud-Kivu dans le conseil de sécurité pour plus d’efficacité dans la conservation durable de la biodiversité du parc national de Kahuzi-Biega, en sigle PNKB.
C’est l’une des recommandations des assises que ce consortium qui regroupe une trentaine d’organisations de protection de l’environnement a tenu du 16 au 17 juillet 2024 à Bukavu dans la province du Sud-Kivu.
Cette réunion organisée sous l’égide de Jane Goodall Institute en collaboration avec la direction provinciale de l’institut congolais de conservation de la nature ICCN/Sud-Kivu avait notamment pour objectif de susciter la conscience nationale et internationale sur la protection de la biodiversité du PNKB victime des menaces internes et externes pourtant, un site du patrimoine mondial regorgeant une riche biodiversité d’une importance capitale pour l’humanité entière à travers ses services écosystémiques.
«Malheureusement il fait face actuellement à des pressions d’origine anthropiques qui menacent son intégrité et qui peuvent causer son déclin. C’est pour face à cette situation que le consortium Ushiriki a organisé ces assises afin de proposer des solutions idoines pour assurer la protection de ce patrimoine d’intérêt général. Parmi les pressions enregistrées figure notamment la déforestation, l’exploitation minière, le braconnage, la présence des habitats, l’agriculture, etc. Ces pressions sont dus pour la plupart aux intérêts égoïstes car la destruction de ce parc ne profite qu’aux destructeurs, mais ses conséquences impactent sur toute l’humanité», a déploré Emola Pippen-Hashim, Directeur exécutif de Jane Goodall Institute en République Démocratique du Congo qui a lu la déclaration finale.
Les assises de Bukavu étaient aussi une occasion d’échanges entre les experts de la conservation de la nature, qui ont aboutit au constat selon lequel l’occupation du PNKB par des tiers est à la base de l’insécurité dans, et autour du parc qui est devenu l’une des portes d’entrée et de refuge des bandes armées, la perte des grands singes, le tarissement de certains affluents et rivières alimentant le lac Kivu suite à la déforestation du parc, les conflits intercommunautaires conduisant parfois à des pertes en vies humaines et animales, la prolifération des maladies zoonotiques comme le Monkey-Pox, etc.
Face à cette situation, le Consortium Ushiriki estime que croiser les bras et ne rien faire serait complice, et un aveu d’impuissance, raison pour laquelle ce comité de coordination technique recommande aussi au gouvernement provincial du Sud-Kivu de renforcer la collaboration entre l’ICCN et les FARDC pour la sécurisation des zones contiguës.
«Ce sont des problèmes récurrents dûs à l’insécurité causée par les groupes armés qui viennent tantôt du Nord-Kivu, tantôt de l’Est de notre pays, et qui nécessitent une attention particulière, et nous ne pouvons pas nous lasser de soumettre ces problèmes aux autorités provinciales. Le gouverneur de province nous a rassuré de sa disponibilité à nous apporter son soutien, voilà pourquoi les ONG réunies dans le consortium Ushiriki nous ont accompagné et se sont mobilisées pour venir faire un plaidoyer au Sud-Kivu pour que l’autorité provinciale puisse à son tour relayer ces doléances au niveau national», espère Honoré Malingane, Directeur provincial de l’ICCN/Sud-Kivu.
Le comité de coordination technique du consortium Ushiriki recommande aussi au PNKB de veiller à la rotation des troupes pour éviter la coutumisation des acteurs, d’appuyer effectivement l’ICCN dans sa mission de conservation de la nature spécialement dans la sécurisation du PNKB, d’intensifier les renseignements dans, et autour du PNKB et d’accélérer le processus de la signature de l’arrêté portant interdiction de l’exploitation et de la commercialisation des ressources naturelles issues du PNKB.
A l’ICCN, le même comité recommande de renforcer son leadership dans la surveillance du PNKB pour des actions rapides et appropriées, de renforcer les dispositifs et les mécanismes de surveillance mais aussi de dénonciation en collaboration avec les services des renseignements, de finaliser la démarcation anticipative des limites en invitant l’institut géographique du Congo pour la résolution des conflits latents et partager les cartes sur celles-ci avec toutes les parties prenantes afin d’éviter les redondances et les duplications; sensibiliser et coopérer avec les communautés locales y inclus les peuples autochtones pygmées et appliquer les différentes résolutions pour ce qui concerne cette dernière catégorie; promouvoir et renforcer davantage l’application de la loi dans le PNKB en collaboration avec les organes habilités, et tenir compte des compétences dans les nominations à des postes clés de responsabilité en particulier celui qui concerne la lutte anti-braconnage.
Aussi, le comité technique a recommandé à WCS d’apporter à l’ICCN un soutien financier et matériel en matière d’application de la loi, d’améliorer la communication en mettant les informations à la disposition des acteurs en tant utile afin que ces derniers contribuent à la sécurisation du PNKB; de consolider les dispositions en place pour assurer à l’ICCN l’autonomie d’actions en matière de surveillance et de lutte contre le braconnage; et d’organiser régulièrement les réunions en impliquant tous les acteurs concernés.
En fin, le comité technique de coordination du consortium Ushiriki recommande aux communautés locales de dénoncer tout mouvement suspect dans et autour du PNKB et fournir des informations fiables, crédibles et sincères lors des enquêtes et ne pas se laisser manipuler par tout type de leadership, mais aussi s’abstenir des incursions et des activités illégales dans le parc national de Kahuzi-Biega.
«Les populations locales devraient comprendre que la protection de l’environnement concourt à leur propre bien d’abord, ensuite au bien de l’humanité», a conclu Josué Aruna, président de la société civile environnementale du Sud-Kivu, membre du consortium Ushiriki.
Par Mitima Delachance