Esther Kanga,une preuve du courage pour une presse genrée et équilibrée
«Avoir un rêve c’est bien, mais il faut travailler pour sa réalisation malgré les épines» un adage qui colle bien au parcours radieux, d’une dame au courage exceptionnel qui par son travail hors série, a franchie tous les échelons dans la noble profession : «le journalisme». En marge du mois de la femme, votre journal vous plonge dans le jardin secret de Kanga Furaha Esther, directrice du groupe de presse Jambo de l’organisation JPDDH en ville de Bukavu , pour découvrir ses premiers pas dans la presse, et sa vision pour une presse équilibrée et genrée .
Née à Bukavu en province du Sud-Kivu, Kanga Furaha Esther a fait ses études primaires et secondaires collège Alfajiri. Avant de rejoindre le Centre Universitaire de Paix (CUP) pour y décrocher le diplôme de licence en communication des organisations.
A cela s’ajoutent plusieurs formations à l’Ecole Technique de Journalisme(ETJ), l’Association des Femmes des Médias (AFEM), le centre de formation BBC et beaucoup d’autres pour sa professionnalisation.
D’où vient la motivation pour la presse ?
«Étant femme à l’école, on veut montrer que c’est plus les hommes qui ont l’art de parler, malgré le fait qu’on faisait tous la section littéraire. Je me suis dit que dois me distinguer parmi les femmes et je dois également montrer même à mes professeurs que j’ai aussi du talent, je peux aussi parler en public,je peux aussi débattre sur des sujets»
Et d’ajouter :
«C’est comment ça que j’ai commencée par débattre à travers des débats à l’école. Quand il y a avait des émissions auxquelles les élèves devraient participer à la Radio. Je voulais être parmi les élèves invités»
Et de poursuivre :
«Je me suis dit en plus que je ne dois pas seulement rester à l’école avec l’art que j’ai,(…) Je voulais être une star,parceque on écoutait toujours les noms des journalistes dans la cité, c’était vraiment un luxe d’écouter les gens à la Radio et je me suis dit moi de même je veux être une star»
Tout comme par la Radio Star en ville de Bukavu, lors de son inscription au programme Stars Holidays. Elle participa au pied levé dans une émission animée par l’un des journalistes populaires de l’époque, Frédéric Ali Namegabe. Ce dernier lui offre la clé pour vaincre la frousse au micro.
Au fait, l’invitée à cette émission, c’était une homonyme à Esther, qui était en retard.Et par un hasard heureux, le présentateur invite Esther pour participer à l’émission. Une première fois avec frousse mais réussie grâce à la technique toujours «inoubliable».
« Il m’a donné une technique. Je ne l’ai jamais oubliée, pour enlever la frousse. Il m’a demandé de frotter très fort mes mains puis expirer. J’ai fait ça une fois puis la peur s’était envolée. J’ai commencé à parler directement sans problème, sans complexe (….) Je donne cette technique aux stagiaires, qui viennent dans mon média pour enlever la peur»
Après la Radio Star, Esther a fait un parcours sans tâche aux côtés journalistes Furaha Citera et Anselme Kangeta à la Radio Maendeleo.
Après la Radio Maendeleo,elle passe par la Radio Svien, Hope Channel Goma et Bukavu, Radio Télévision Ngoma ya Kivu (RTNK) avant d’intégrer le groupe de presse Jambo RDC qu’elle dirige actuellement.
Toujours présente même à des reportages à risque, comme des marches des partis politiques et mouvements citoyens en ville de Bukavu en 2018, des terrains dans des carrés miniers. Et d’autres reportages qui connaissent une faible participation des femmes journalistes.
Occasion pour l’incarnation du courage, d’inviter les autres femmes à braver la peur et s’imposer, car la presse n’est pas réservée uniquement aux hommes.
«Allez également à l’assemblée provinciale couvrir des séances plénières, allez aux terrains politiques !!! Allez également animer des émissions politiques. Pas seulement des émissions de santé, des émissions de cuisine et tout le reste !!!Faites aussi ce que les hommes font, quand ils vont constater que vous faites comme eux. Ils vont également vous respecter et vous donner aussi de l’espace. Mais si vous ne le faites pas, il vont continuer à vous asphyxier dans les rédactions (…) Donc les femmes soyez fortes et restez battantes et celles qui n’ont pas encore intégrer la presse, venez car la presse est au féminin»
Des sources d’inspiration dont un mentor
Pour améliorer son travail, Esther s’inspire des travaux du journaliste Ernest Muhero, qu’elle considère comme «Mentor». Ceci grâce à sa manière de travailler ainsi que les innovations dans ses différents reportages.
«J’ai quand-même un mentor, il y a plusieurs aînés qui nous ont précédés et qui m’ont marqués, mais la personne qui m’a beaucoup plus marquée jusqu’à aujourd’hui, auprès de qui, je continue à puiser des connaissances, des conseils et améliorer encore mon travail, c’est Ernest Muhero.Je l’écoutais à la Radio, dans les journaux.Dans tout mes papiers même aujourd’hui. J’écoute toujours ses reportages et j’essaie de m’identifier en lui parceque je ne sais pas !!! Mais sa façon d’écrire, son style d’attaque et le déroulement de tout le reste, comment est-ce qu’il fait agencer les idées. Mais également l’innovation, il a toujours dans de tout ses reportages, quelques chose de nouveau (…) Et quand je suis ses reportages vidéos, je sens que j’ai toujours besoin d’apprendre et je dois améliorer. Pour moi c’est grand»
Également d’autres personnes s’ajoutent à la liste dont Honneur Safari :« Il y a aussi Honneur Safari, je l’apprécie dans la rédaction de ses articles,on sent que son écriture, son style est différent des autres. C’est vrai, c’est un style qui est des fois révolutionnaire. Cet esprit critique, cet œil critique du journaliste plusieurs ne l’ont pas. C’est parmi les travaux que je préfère entendre et lire ».
Également :« Il y aussi mesdames Jolly Kamuntu et Breuil Munganga qui m’inspirent par leur courage et leur bravoure, si elles ne les savaient pas il faut qu’elles le sachent aujourd’hui»
Des témoignages des journalistes sur le courage de Esther
«Quand elle était arrivée à la Radio Svein, nous étions tous, des journalistes reporters, quelques mois après, elle a été voté directrice de la Radio, elle était encore trop jeune, mais sa façon de vivre avec l’équipe était restée la même. Malgré le poste, elle collaborait avec presque tout le monde. Pas de complexe de supériorité»
Et de poursuivre :
«Et surtout elle était très touchée par les problèmes de ses agents. Mais aussi elle était stricte. Tu tombes dans une erreur grave,tu es suspendue. Donc elle était une directrice amie de tout le monde»indique Irenge Bagenda, journaliste à la Radio Svien
Et de recommender: «Elle doit se forcer à avoir du charisme d’une autorité(cheffe ) quand elle occupe un poste de prise des décisions»
A Natacha Balegamire,du groupe de presse Jambo d’argumenter:
«Madame Esther Kanga est une femme courageuse et surtout déterminée dans son travail. Elle m’a toujours dit que le journalisme pour elle, c’est un rêve depuis son enfance voilà pourquoi elle doit se battre tous les jours pour réaliser ses rêves. Kanga est une femme travailleuse et elle caractérisée par le signe du partage, de collaboration et de coaching»
Une vision pour la presse équilibrée et genrée
«Ma vision c’est avoir une presse équilibrée, une presse genrée. Une presse où la femme va sentir qu’elle a aussi une place, un mot à dire, elle doit aussi participer au changement de sa communauté. Elle est au fait actrice du changement. La femme doit comprendre cela et ne pas croire que la presse, les histoires de la radio, c’est vraiment pour les hommes…»
Plusieurs défis dans l’exercice de sa noble profession
«Le premier défis c’est l’aspect femme parceque quand on est femme, on est bloquée de continuer(….) le deuxième défis c’est maintenant en milieu professionnel. Comme moi qui suis déjà engagée avec des enfants. Il y a parfois des terrains,qui nous ont obligent à être là jusqu’au soir par exemple et quand on rentre à la maison il faut s’occuper des enfants, s’occuper de sa famille c’est parfois compliqué. On n’a pas assez de temps pour sa famille. Le troisième défis c’est avec les personnes ressources. Parfois quand on est femmes journalistes, certaines personnes ressources pensent que nous sommes légères….»
Et de poursuivre :
«Tu te rends compte que tu es avec une personne ressource, vous partagez les contacts,vous discutez profession.Après un temps, il commence à te faire la cour.Il commence à te harceler, prochainement tu ne vas plus faire encore recours à lui.Parce que il a commencé à se mécomporter devant toi. C’est aussi un grand défis que nous avons, et qui ne nous permet pas de faire notre travail très bien. Mais aussi un autre défis est que dans nos médias. Nos confrères hommes, pensent que les terrains politiques,des terrains chauds (…)sont réservés aux hommes»
Comment surmonter ces défis ?
«Je m’impose avec mon travail. J’essaie de faire également un travail impeccable.(…) Avec les personnes ressources tout ce que je fais, c’est vraiment rester professionnelle. J’essaie de toutes mes forces pour banaliser toutes les avances et rester professionnelle et quand je reste professionnelle, les personnes ressources me respectent(…) Je fais de mon mieux, pour terminer mon travail à 16h, je tâche d’être à la maison vers 16 ,17h et les journées de samedi et dimanche, je les consacrent uniquement à ma famille, je travaille rarement ces deux jours»
Un message aux femmes qui sont dans la presse.
«Je demande aux femmes qui sont dans la presse de se distinguer parmi les hommes vraiment au vrai sens du terme, il ne faut pas rester là et attendre à ce qu’on vous colle un sujet, imposez-vous dans la rédaction parceque la conférence de rédaction n’est une parole d’évangile non!! Il faut vraiment discuter, convaincre sur votre sujet. Il faut convaincre que vous pouvez également aller sur ce terrain. Ce n’est pas seulement qu’on doit vous envoyer sur des terrains des chiens écrasés,des déchets…»
Comme projet d’avenir, Esther Kanga compte approfondir ses connaissances en vidéo et photographie. Aussi suivre une formation en conception des design professionnels.
Étant directrice du groupe de presse Jambo, cette dame au courage exceptionnel, indique qu’elle veut faire connaître ce media au grand public grâce à un programme auréolé des innovations pour le bien des auditeurs.
En somme, la lauréate du prix JDH 2021 invite la communauté à combattre les violences sexuelles et celles basées sur genre.
Ensuite, elle appelle les autorités à prendre des mesures pour sanctionner les auteurs de ces violences.
Et de conclure : « Aux hommes et femmes qui lisent cet article, de comprendre que l’équité du genre n’est une révolte. Mais c’est une complémentarité dans la vie. On se compléte mutuellement, pour que nous puissions contribuer au développement de notre pays.»
Par Loni Irenge Joël